“C'est ainsi, Socrate, et pour ces motifs que les Athéniens et les autres peuples, lorsqu'ils délibèrent sur des objets relatifs à la profession du charpentier, ou à quelque autre art mécanique, croient devoir prendre l'avis de peu de personnes ; et que, si quelqu'un n'étant pas du petit nombre de ces experts, s'avise de dire son sentiment, ils ne l'écoutent pas, comme tu dis, et avec raison, à ce que je prétends.
"Au risque d’énoncer un truisme, pour homogénéiser il faut en effet détruire (un sociologue dirait “déconstruire”) l’hétérogénéité"
ça rappelle moi la critique de Pasolini sur la telé comme instrument d’homogénéisation pire que le fascisme, car elle a réussi avec le « douceur» que le fascisme n’a pas réussi à réaliser avec les batons: quel que vous appelez l’homogénéité culturelle.
Rétrospectivement on pourrait dire que ce « fascisme doux » était peut-être plus désirable que ce nouveau "communisme numérique" dans lequel nous vivons.
(Pardonnez moi pour les éventuelles fautes d'orthographe, je ne suis pas de langue maternelle française :-))
Merci pour ce papier à la fois bien fourni et synthétique. Avez-vous lu At Our Wit's End, du Professeur Edward Dutton ? Il semble que plusieurs de vos analyses, concordent avec les siennes — notamment celle sur le déclin du rationalisme qui est corrélé à une baisse globale du QI.
J'ai trouvé la partie sur l'homogénéisation de la culture très pertinente (devrait-on parler d'hexagonalisation ?). Je dois dire que le déclin du régionalisme/provincialisme me pince le cœur, mais ces référents communs, qui ont remplacé ceux de nos aïeux, plus locaux, ont sans doute été nécessaire à bien des accomplissements qui ont eu lieu à partir des années 60.
J'ajouterais un exemple frappant qui apporte de l'eau au moulin de votre démonstration : je suis toujours ébahi par la richesse de la langue et des scénarios des films populaires — des films d'ailleurs conspués par les pseudo-artistes de l'époque — en comparaison avec ce que nous pondent nos intellos contemporains. Il y a bien sûr ceux dont les dialogues ont été écrits par Michel Audiard mais prenons ne serait-ce qu'un Oscar ou un Rabbi Jacob et on constate que la "plèbe" de l'époque était bien plus réceptive à un vocabulaire châtié que ne le sont nos élites actuelles.
Bonjour Pierre-Louis, et désolé pour ma réponse tardive. Je n'ai pas lu Dutton mais essaierai de rattraper ce retard dès que possible. L'explication du QI est sans doute la plus plausible, la croyance en la sorcellerie étant inversement corrélée en règle générale. Oui, l'hexagonalisation avait certainement atteint son apogée dans les années 60, l'édifice a ensuite commencé à craqueler dans les parties les plus périphériques du pays (évènements d'Aleria en 1975, montée du régionalisme, etc.) tout en maintenant une forte emprise générale jusqu'à récemment.
Votre remarque sur le vocabulaire dans le cinéma est juste, les classes populaires mettaient un point d'honneur à bien parler et les films qui leur étaient destinés visaient un public très large, mais ayant un bagage culturel "commun" bien assimilé.
Un petit exemple issu du monde de la bande dessinée. Dans Astérix aux Jeux Olympiques, album destiné à un public issu de toutes les couches sociales, on retrouve cette description :
"Les athlètes entrent dans le stade. Cela commence par le défilé des Thermopyles. Ils sont suivis par ceux de Samothrace, sûrs de la victoire ; ceux de Milo sont venus aussi...
... ceux de Cythère viennent de débarquer ; ceux de Marathon arrivent en courant ; ceux de Macédoine sont très mélangés ; les Spartiates sont pieds nus...
... Rhodes n’a envoyé qu’un seul représentant, un colosse..."
Hormis des gens très cultivés ou ayant fait leurs lettres classiques, qui comprendrait ces références de nos jours ?
Dutton est l'une de mes lectures les plus éclairantes de ces dernières années... Mais aussi, sans doute, l'une des plus déprimantes. Je le soupçonne d'être un peu trop réductionniste, car je ne peux pas croire que la sélection sexuelle aussi majoritairement liée au QI, mais ses démonstrations demeurent très solides et son explication des cycles civilisationnels est plutôt convaincante.
Malgré la tendresse naturelle que je peux éprouver pour ce mythe contemporain, je n'ai jamais été un grand lecteur d'Astérix étant plus jeune — j'en ai sans doute feuilleté quelques-uns vers mes 10-12 ans, mais ça ne m'a pas laissé un souvenir impérissable. Mais ce que vous dites ne m'étonne pas. Moi-même, je le confesse, j'aurais dû aller chercher des explications à ces traits sur internet.
Les seules personnes que je fréquente ayant des références classiques similaires à celles-ci sont des Russes et des Ukrainiens, où, quoi qu'on dise de ces pays, le niveau d'éducation demeure extrêmement élevé. La moindre fille qui pourrait paraître extrêmement légère a lu tout le répertoire littéraire classique. Je ne sais pas si c'est un legs du communisme à l'ancienne, qui valorisait l'élévation intellectuelle des classes populaires — quand, à Sciences Po, aujourd'hui, on se gargarise d'avoir un cours de "Potter studies" et on se vante d'écouter du rap — ou si le déclin génétique, qui a pour conséquence inévitable, une chute de l'intelligence moyenne — a pris du retard du fait de la dureté de l'époque soviétique.
Et, concernant l'hexagonalisation, je suis assez frappé de voir à quel point nous sommes l'un des seuls pays dont la centralisation a réellement fonctionné, malgré ce qu'elle a de forcément quelque chose un peu artificiel et tyrannique. Il n'y a qu'à aller voir en Italie ou en Espagne pour constater que, malgré les tentatives des francs-maçons ou du franquisme, rien n'y fait : les référents des populations demeurent locaux et très peu nationaux. Ces peuples ne veulent pas "vivre ensemble", comparer à nous, Bretons, Alsaciens, Basques, etc.
"Au risque d’énoncer un truisme, pour homogénéiser il faut en effet détruire (un sociologue dirait “déconstruire”) l’hétérogénéité"
ça rappelle moi la critique de Pasolini sur la telé comme instrument d’homogénéisation pire que le fascisme, car elle a réussi avec le « douceur» que le fascisme n’a pas réussi à réaliser avec les batons: quel que vous appelez l’homogénéité culturelle.
Rétrospectivement on pourrait dire que ce « fascisme doux » était peut-être plus désirable que ce nouveau "communisme numérique" dans lequel nous vivons.
(Pardonnez moi pour les éventuelles fautes d'orthographe, je ne suis pas de langue maternelle française :-))
Tout est vrai.
L'homme fruit nous gâte encore d'un nouveau bangre !
Bonjour Vertumne,
Merci pour ce papier à la fois bien fourni et synthétique. Avez-vous lu At Our Wit's End, du Professeur Edward Dutton ? Il semble que plusieurs de vos analyses, concordent avec les siennes — notamment celle sur le déclin du rationalisme qui est corrélé à une baisse globale du QI.
J'ai trouvé la partie sur l'homogénéisation de la culture très pertinente (devrait-on parler d'hexagonalisation ?). Je dois dire que le déclin du régionalisme/provincialisme me pince le cœur, mais ces référents communs, qui ont remplacé ceux de nos aïeux, plus locaux, ont sans doute été nécessaire à bien des accomplissements qui ont eu lieu à partir des années 60.
J'ajouterais un exemple frappant qui apporte de l'eau au moulin de votre démonstration : je suis toujours ébahi par la richesse de la langue et des scénarios des films populaires — des films d'ailleurs conspués par les pseudo-artistes de l'époque — en comparaison avec ce que nous pondent nos intellos contemporains. Il y a bien sûr ceux dont les dialogues ont été écrits par Michel Audiard mais prenons ne serait-ce qu'un Oscar ou un Rabbi Jacob et on constate que la "plèbe" de l'époque était bien plus réceptive à un vocabulaire châtié que ne le sont nos élites actuelles.
Amicalement,
Pierre-Louis
Bonjour Pierre-Louis, et désolé pour ma réponse tardive. Je n'ai pas lu Dutton mais essaierai de rattraper ce retard dès que possible. L'explication du QI est sans doute la plus plausible, la croyance en la sorcellerie étant inversement corrélée en règle générale. Oui, l'hexagonalisation avait certainement atteint son apogée dans les années 60, l'édifice a ensuite commencé à craqueler dans les parties les plus périphériques du pays (évènements d'Aleria en 1975, montée du régionalisme, etc.) tout en maintenant une forte emprise générale jusqu'à récemment.
Votre remarque sur le vocabulaire dans le cinéma est juste, les classes populaires mettaient un point d'honneur à bien parler et les films qui leur étaient destinés visaient un public très large, mais ayant un bagage culturel "commun" bien assimilé.
Un petit exemple issu du monde de la bande dessinée. Dans Astérix aux Jeux Olympiques, album destiné à un public issu de toutes les couches sociales, on retrouve cette description :
"Les athlètes entrent dans le stade. Cela commence par le défilé des Thermopyles. Ils sont suivis par ceux de Samothrace, sûrs de la victoire ; ceux de Milo sont venus aussi...
... ceux de Cythère viennent de débarquer ; ceux de Marathon arrivent en courant ; ceux de Macédoine sont très mélangés ; les Spartiates sont pieds nus...
... Rhodes n’a envoyé qu’un seul représentant, un colosse..."
Hormis des gens très cultivés ou ayant fait leurs lettres classiques, qui comprendrait ces références de nos jours ?
Dutton est l'une de mes lectures les plus éclairantes de ces dernières années... Mais aussi, sans doute, l'une des plus déprimantes. Je le soupçonne d'être un peu trop réductionniste, car je ne peux pas croire que la sélection sexuelle aussi majoritairement liée au QI, mais ses démonstrations demeurent très solides et son explication des cycles civilisationnels est plutôt convaincante.
Malgré la tendresse naturelle que je peux éprouver pour ce mythe contemporain, je n'ai jamais été un grand lecteur d'Astérix étant plus jeune — j'en ai sans doute feuilleté quelques-uns vers mes 10-12 ans, mais ça ne m'a pas laissé un souvenir impérissable. Mais ce que vous dites ne m'étonne pas. Moi-même, je le confesse, j'aurais dû aller chercher des explications à ces traits sur internet.
Les seules personnes que je fréquente ayant des références classiques similaires à celles-ci sont des Russes et des Ukrainiens, où, quoi qu'on dise de ces pays, le niveau d'éducation demeure extrêmement élevé. La moindre fille qui pourrait paraître extrêmement légère a lu tout le répertoire littéraire classique. Je ne sais pas si c'est un legs du communisme à l'ancienne, qui valorisait l'élévation intellectuelle des classes populaires — quand, à Sciences Po, aujourd'hui, on se gargarise d'avoir un cours de "Potter studies" et on se vante d'écouter du rap — ou si le déclin génétique, qui a pour conséquence inévitable, une chute de l'intelligence moyenne — a pris du retard du fait de la dureté de l'époque soviétique.
Et, concernant l'hexagonalisation, je suis assez frappé de voir à quel point nous sommes l'un des seuls pays dont la centralisation a réellement fonctionné, malgré ce qu'elle a de forcément quelque chose un peu artificiel et tyrannique. Il n'y a qu'à aller voir en Italie ou en Espagne pour constater que, malgré les tentatives des francs-maçons ou du franquisme, rien n'y fait : les référents des populations demeurent locaux et très peu nationaux. Ces peuples ne veulent pas "vivre ensemble", comparer à nous, Bretons, Alsaciens, Basques, etc.